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"We have gold because we cannot trust governments." - Herbert Hoover // "Gold is money. Everything else is credit." - J.P. Morgan

Après s’être apprécié en début d’année, le cours de l’or enregistre depuis avril un recul important et a atteint le 15 août son niveau le plus bas depuis janvier 2017. La principale raison à l’origine de ce recul est la force du dollar. Depuis la mi-avril, la devise américaine est ainsi passée de 1,24 à 1,14 contre l’euro. Elle s’est également appréciée par rapport à l’ensemble des autres monnaies.  La force du dollar s’explique d’une part par la bonne tenue de l’économie américaine et par le resserrement de la politique monétaire de la Réserve fédérale et d’autre part par un contexte d’augmentation de l’aversion au risque qui a fait reprendre à la monnaie US son statut de valeur refuge. Les problèmes actuels de la Turquie sont à cet égard révélateurs : les investisseurs craignent aussi bien l’effet de contagion sur les autres pays émergents que celui sur les pays de la zone euro étant donné l’interconnexion entre les pays européens et la Turquie.

 

L’or exhibe généralement (mais pas toujours) une corrélation inverse avec le dollar. Le métal jaune et le billet vert peuvent selon les circonstances revêtir un caractère de valeur refuge. Dans le cas du billet vert, le facteur déterminant a trait à l’état de l’économie américaine, notamment par opposition à celui des autres régions. La crise asiatique et celle des pays émergents en général en 1997-98, moment où l’économie US était forte, avaient ainsi entraîné une forte appréciation du billet vert. Plus récemment, les doutes récurrents sur la construction européenne et la faiblesse de la croissance dans la zone euro ont contribué à la tendance généralement haussière du dollar sur les 7 dernières années. Les facteurs permettant à l’or d’être considéré comme valeur refuge ont trait à la situation géopolitique, l’inflation et, plus généralement, à la confiance dans l’argent-papier et dans le système financier. De manière un peu simpliste on pourrait affirmer que pour que l’or puisse assumer un statut de valeur refuge, il faut que la confiance dans le dollar ne soit pas élevée.

 

Changement de mentalité à la Réserve fédérale ?

Comme indiqué supra, la force actuelle du billet vert est basée en grande partie sur la divergence entre les politiques monétaires des principales banques centrales. La Réserve fédérale avait commencé le resserrement de sa politique monétaire sous Janet Yellen, mais l’ancienne présidente de la banque centrale américaine était perçue par les marchés comme étant ‘dovish’, c’est-à-dire prête à arrêter ce resserrement au moindre accès de faiblesse des marchés financiers. Son successeur, Jerome Powell, a par contre clairement fait savoir qu’il n’avait pas l’intention de laisser les marchés influencer sa politique monétaire. Le resserrement des conditions monétaires aux Etats-Unis qui intervient à un moment où l’endettement en USD à travers le monde (Etats aussi bien qu’entreprises) a beaucoup augmenté risque ainsi de créer une pénurie de dollars, notamment dans les pays émergents.

 

Variation annuelle de la masse monétaire M2 aux Etats-Unis

Source : Bloomberg

 

A court terme, la Réserve fédérale devrait donc profiter de la bonne tenue de l’économie américaine pour poursuivre le resserrement de sa politique monétaire et, ce faisant, se créer des munitions en vue d’un ralentissement conjoncturel. Ceci pourrait logiquement soutenir sa monnaie. A plus long terme, il importe toutefois de noter que la force actuelle du dollar ne repose pas sur des fondamentaux solides. Le déficit budgétaire des Etats-Unis est à nouveau en augmentation après la réforme fiscale décidée par l’administration Trump. Le bureau budgétaire du Congrès estime ainsi qu’en pourcentage du produit Intérieur Brut, le déficit budgétaire des Etats-Unis augmentera fortement sur les années à venir, alors que l’inverse est prévu dans pratiquement tous les autres pays faisant partie de l’OCDE. La balance courante reste également largement déficitaire. La force actuelle du dollar est à cet égard d’ailleurs en opposition avec la politique commerciale de l’administration et le président a déjà fait savoir son mécontentement. On ne peut dès lors pas exclure la possibilité de voir apparaître des doutes quant à l’indépendance de la banque centrale.

 

Arguments en faveur de l’or

Indépendamment des perspectives pour le dollar, les arguments qui à plus long terme plaident en faveur de l’or ne manquent pas :

  • dans un environnement de surendettement généralisé, la possibilité d’une nouvelle crise est importante. Une telle crise risquerait de fragiliser d’autant plus le système financier. Les chances de voir les banques centrales aller encore plus loin dans la mise en place des mesures non conventionnelles et d’accélérer ainsi la perte de confiance dans l’argent-papier seraient non négligeables dans un tel scénario ;
  • contrairement à ce qui fut le cas pendant les 3 décennies menant à la crise de 2008, les banques centrales semblent aujourd’hui déterminées à créer de l’inflation. On ne peut certainement pas exclure la possibilité qu’elles réussissent dans cette entreprise ;
  • nonobstant le resserrement en cours de la Réserve fédérale, les taux d’intérêt réels (c’est-à-dire ajustés pour l’inflation) demeurent très bas, voire négatifs. Une forte augmentation des taux réels dans un contexte de surendettement aurait des conséquences très négatives sur l’économie mondiale ;

 

Valeur totale en USD des emprunts ayant un rendement à l’échéance négatif (en millions de dollars)

Source : Bloomberg

 

  • la situation géopolitique n’est pas particulièrement rassurante. La confluence d’inégalités sociales importantes, la montée du populisme, le changement dans l’ordre mondial avec le déclin progressif des Etats-Unis comme puissance dominante et les tensions commerciales entre les Etats-Unis et certains de ses partenaires figurent parmi les risques les plus importants ;
  • les actifs financiers traditionnels se traitent à des multiples de valorisation élevés. L’or est négativement corrélé à la plupart de ces actifs ;
  • les risques liés à la montée en puissance de stratégies passives semblent largement sous-estimés. Un certain nombre de ces stratégies reposent sur des technologies qui fonctionnent lorsque les marchés montent mais qui n’ont jamais été testées dans des situations de crise. Elles offrent ainsi une illusion de liquidité qui pourrait rapidement s’avérer trompeuse ;
  • l’offre d’or n’augmentera pas beaucoup dans les années à venir étant donné la diminution de la durée de vie moyenne des mines et du sous-investissement dans le développement de nouveaux gisements. Indépendamment du problème de financement il y a le fait que les obstacles politiques et liés à l’environnement sont de nature à limiter le développement de nouvelles mines ;
  • de plus en plus de pays, à commencer par la Chine, s’insurgent contre l’hégémonie du dollar et les avantages compétitifs que le dollar en tant que monnaie de réserve confère aux Etats-Unis (ce que l’économiste français Jacques Rueff appelait le « privilège impérial » des Etats-Unis). Certains observateurs pensent dès lors qu’à plus long terme, la Chine pourrait offrir une convertibilité de sa monnaie en or comme moyen de ‘dé-dollariser’ l’Asie et de faire accepter le renminbi comme alternative au dollar. Il est en tout cas indéniable que l’or physique migre de l’Ouest vers l’Est.

 

En conclusion, l’or est en quelque sorte une assurance contre le risque que les choses ne se passeront pas comme prévu. Un investissement dans le métal jaune ne devrait pas être considéré comme une spéculation à court terme. Sa tendance haussière reprendra quand les investisseurs réaliseront que les banques centrales ne pourront pas normaliser leurs politiques monétaires et défaire ce qu’elles ont créé à travers leurs politiques monétaires non conventionnelles et leur manipulation des taux d’intérêt. Des taux d’intérêt artificiellement bas ont pour effet de faire avancer la consommation future et de faire reculer la disparition d’entreprises non rentables tout en encourageant la spéculation. L’or constitue également une protection en cas de chute des marchés financiers.

 

Acte de foi

Il importe toutefois aussi de noter que la thèse d’investissement en faveur de l’or repose nécessairement sur un acte de foi. A la base, le métal jaune fait en effet partie de la catégorie d’actifs qui, comme le disait Warren Buffett, ne produisent jamais rien et qui sont achetés dans l’espoir que quelqu’un d’autre - qui sait également que ces actifs ne vont jamais rien produire – sera prêt à les racheter à un prix plus élevé dans le futur. En tant que tel, l’or est un actif stérile. De plus, contrairement à d’autres matières premières, il n’est jamais consommé (ce qui peut d’ailleurs aussi être considéré comme un de ses atouts). Depuis le début des années 1970 et la fin des accords de Bretton Woods (qui prévoyaient la convertibilité en or du dollar), sa fonction en tant qu’actif monétaire est terminée. Celui qui investit dedans doit donc être convaincu que la signification historique de l’or reste valable et que le métal jaune, libre de tout risque de contrepartie à l’inverse de l’argent-papier, restera une valeur refuge dans des périodes de crise ou de grandes incertitudes, tout comme il l’a été par le passé.

L’or a en fin de compte deux visages différents, celui d’une matière première qui ne produit pas de revenus et celui d’une valeur refuge. En temps normaux, c’est le premier visage qui prime et le cours de l’or sera essentiellement déterminé par le rapport entre l’offre et la demande provenant de l’industrie (électronique, joaillerie, soins dentaires, …). En temps de crise ou du moins d’incertitudes majeures, le deuxième visage prend le dessus et le cours de l’or augmentera par suite d’une demande supplémentaire. 

 

Forte chute des cours des entreprises aurifères

Après avoir longtemps résisté à la baisse du cours de l’or, l’indice des mines d’or a chuté de près de 13 % sur la première moitié d’août. Sur 2 ans, sa baisse s’élève à près de 40 %. Les entreprises aurifères constituent un moyen plus agressif pour investir dans l’or étant donné l’effet de levier qu’elles offrent sur le cours du métal. L’indice des mines d’or se traite aujourd’hui en dessous de son niveau d’octobre 2008 lorsque le cours de l’or s’établissait à moins de $750/l’once. Valoriser les entreprises aurifères est un exercice difficile et quelque peu aléatoire dans la mesure où la valeur de ces entreprises dépend en fin de compte essentiellement du cours de l’or. A cela s’ajoute le fait que les entreprises aurifères ne se sont pas couvertes de gloire au cours de la période 2008 à 2013, période durant laquelle elles ont privilégié l’augmentation de la production à la rentabilité pour se retrouver avec un endettement élevé pour bon nombre d’entre elles. Il n’empêche que certaines études montrent qu’en partant du cours actuel, la valorisation des entreprises aurifères est actuellement la plus faible en plus de 30 ans.

A l’intérieur de ce segment les entreprises de redevances (qui sont des entreprises spécialisées dans le financement des mines et non pas des entreprises minières stricto sensu) sont à privilégier au vu de la supériorité de leur modèle d’entreprise. Elles sont généralement mieux diversifiées et pas exposées à une hausse des coûts de production. Parmi les principaux critères de sélection des producteurs devraient figurer la qualité de l’équipe dirigeante, la situation financière, la durée de vie des gisements, les coûts de production et le risque géopolitique dans un contexte où le nationalisme en matière de ressources fait sa réapparition.

 

Evolution du cours de bourse de Franco Nevada (entreprise de redevance) et de l’indice des producteurs depuis l’introduction en bourse de Franco Nevada

Source : Bloomberg

 

Guy Wagner, Chief Investment Officer 

D’origine d’une famille d’entrepreneurs au Luxembourg et licencié en Sciences Économiques de l'Université Libre de Bruxelles, Guy a rejoint la Banque de Luxembourg en 1986, où il fut successivement responsable des départements Analyse Financière et Asset Management. Il devient ensuite Administrateur-Directeur de BLI - Banque de Luxembourg Investments, société de gestion nouvellement créée en 2005.

Depuis juillet 2022, il se consacre exclusivement à son rôle de Chief Investment Officer, à la gestion des portefeuilles et à la direction de l’équipe en charge de la gestion des différents fonds.

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