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L’environnement économique et financier est aujourd’hui caractérisé par énormément d’incertitudes. Le caractère imprévisible du nouveau Président américain et les incertitudes entourant les mesures prises par son administration mais aussi par d’autres gouvernements ainsi que par les banques centrales font que toute tentative de prévision des marchés devra le cas échéant être rapidement revue, voire modifiée. Ceci vaut aussi bien pour les classes d’actifs dans leur ensemble que pour les gagnants/perdants potentiels au niveau régional ou sectoriel.

L’optimisme dont font preuve les marchés boursiers (et particulièrement les valeurs cycliques) quant à une accélération rapide de la croissance économique semble pour le moins prématuré.  Le fait est que les freins qui pèsent sur la conjoncture mondiale sont en grande partie de nature structurelle. Le potentiel de croissance de l’économie américaine est limité par la faible croissance de la population active et de la productivité, deux tendances difficilement réversibles à court terme. Les mesures que prendra la nouvelle administration américaine ne pourront exercer leurs effets qu’à plus long terme, en supposant que ces mesures soient conçues de manière assez intelligente que pour avoir un effet multiplicateur positif sur la croissance. Mal conçues, ces mesures pourraient à l’inverse renforcer le ralentissement du commerce mondial et l’instabilité géopolitique.

En attendant de voir plus clair à cet égard, le risque d’un nouveau ralentissement conjoncturel est clairement présent. Si les données économiques ont indéniablement surpris de manière positive depuis quelques temps, certains développements récents pourraient mettre en péril cette évolution. L’amélioration des indicateurs économiques actuellement enregistrée est en effet la conséquence directe des mesures de stimulation importantes mises en place quelque 12 mois auparavant. Les facteurs à l'origine de cette amélioration sont en train de se retourner. La remontée des prix pétroliers va peser sur le pouvoir d’achat des consommateurs et la hausse de l’inflation mettre les banques centrales sous pression de réduire, ne fût-ce qu’à la marge, le caractère ultra-accommodant de leur politique monétaire. L’économie américaine pourrait être progressivement impactée par la remontée des taux obligataires et par la force du dollar, surtout après 7 années d’expansion. Sa sensibilité historique aux taux d’intérêt à long terme ne se trouve que renforcée par le surendettement important présent dans pratiquement tous les secteurs.

Taux obligataires et allocation sectorielle

Un ralentissement éventuel de la conjoncture américaine (et, partant, de la conjoncture mondiale) devrait en toute logique entraîner un nouveau recul des taux obligataires aux Etats-Unis. Les emprunts d’Etat américains à long terme ont ainsi toujours leur place dans un portefeuille diversifié, ne serait-ce qu’en tant que couverture contre un tel risque de ralentissement, qui prendrait les marchés financiers à contre-pied. Les emprunts de la zone euro et du Japon continuent par contre à offrir un couple rendement/risque peu attrayant.

En cas de nouveau ralentissement économique et de recul des taux obligataires, la rotation sectorielle en faveur des valeurs décotées et au détriment des valeurs de qualité toucherait à sa fin et se retournerait. Indépendamment de ceci, les incertitudes économiques et l’asymétrie des risques sur les valeurs de moindre qualité (que sont souvent les valeurs décotées) continuent de plaider en faveur d’un investissement dans des entreprises faiblement endettées, présentant une bonne visibilité sur leurs résultats et capables de maintenir un avantage compétitif dans leur secteur, quitte à passer par des phases périodiques de sous-performance. Les entreprises qui font partie des secteurs typiquement regroupés sous le terme ‘value’ ne disposent en règle générale tout simplement pas des caractéristiques qui en feraient de bons investissements à long terme.

Considérations régionales

Au niveau régional, la longue phase de surperformance du marché américain pourrait toucher à sa fin. Cette surperformance s’expliquait en premier lieu par une évolution nettement plus favorable des bénéfices des entreprises américaines, évolution qui résultait en grande partie de la capacité de ces entreprises à améliorer leurs marges bénéficiaires. La force du dollar et l’augmentation des coûts salariaux risquent aujourd’hui de peser sur celles-ci.

Sous-performance des cours et des bénéfices en Europe

Source : Barclays, DataStream, MSCI, IBES

Marges bénéficiaires Europe et Etats-Unis

Source : Barclays, DataStream

Le marché américain est par ailleurs cher, indépendamment des ratios de valorisation pris en compte.

Des valorisations plus attrayantes, une situation de liquidités plus favorable et une évolution des devises propice à des révisions à la hausse sur les estimations de bénéfices plaideraient par contre plutôt pour les marchés européens. Il importe toutefois de souligner que plus de la moitié de l’écart en terme de marge bénéficiaire (et de valorisation) entre l’Europe et les Etats-Unis reflète la composition différente des indices de ces régions.

Un marché japonais toujours attrayant

De nombreux éléments continuent à plaider en faveur du marché japonais. Les flux de liquidités restent favorables avec l’annonce de la Banque du Japon qu’elle va doubler ses achats d’actions, les fonds de pension qui augmentent leur allocation en actions et les investisseurs étrangers qui sont sous-investis dans le marché. La valorisation du marché reste attrayante et la situation financière des entreprises en bon état, quelque 50 % des entreprises (hors secteur financier) présentant une trésorerie nette positive.

Le consensus qui semble s’être établi autour de la fin du régime ‘plus bas, plus longtemps’ en matière de taux d’intérêt et la crainte de mesures protectionnistes de la nouvelle administration américaine ont été perçus comme négatifs pour l’Asie et les marchés émergents, d’autant plus que bon nombre d’entreprises de ces régions ont augmenté leur endettement en $. D’un point de vue ‘contrarian’, ces marchés pourraient dès lors agréablement surprendre, surtout après leur longue période de sous-performance.

En fin de compte, dans ce qui pourrait s’avérer une année difficile pour les investisseurs en actions, l’accent devrait être mis plus que jamais sur les fondamentaux des sociétés et la sélection de valeurs individuelles, même si la tendance vers la gestion passive ne semble jamais avoir été aussi forte. Les arguments généralement avancés pour expliquer la récente hausse des marchés sont faibles et il importe d’être très sensible à une éventuelle détérioration de l’environnement boursier. Les ratios cours/bénéfices ne sont que relativement élevés pour les indices mondiaux, mais sur base des ratios valeur d’entreprise/EBITDA (résultat d’exploitation avant intérêts, impôts et amortissement), les actions sont très chères. Et la valorisation importe au final. On ne peut pas constamment utiliser le niveau très bas des taux d’intérêt pour justifier ces multiples de valorisation très élevés. Pour les justifier, il faudrait une forte hausse des bénéfices des entreprises. Dans un environnement où la progression des chiffres d’affaires est limitée par la faiblesse de la croissance économique et où les marges bénéficiaires risquent de se contracter plutôt que d’augmenter, une forte augmentation des bénéfices ne semble toutefois pas à l’ordre du jour. Comme indiqué supra, l’accent devrait dès lors être mis sur les entreprises capables d’augmenter leur bénéfice de manière soutenable et générant un rendement élevé et régulier sur capitaux employés.

Vers une parité euro/dollar?

La hausse du dollar touche à sa fin, du moins contre l’euro. L’indice trade-weighted (indice pondéré en fonction des échanges commerciaux) du dollar s’est apprécié de plus de 30 % depuis septembre 2014. Une appréciation supplémentaire de la monnaie américaine risquerait d’avoir des conséquences négatives pour les flux commerciaux et de capitaux. L’histoire a montré que des appréciations importantes du dollar ont souvent été source d’instabilité au niveau mondial, surtout lorsqu’elles se sont accompagnées d’une hausse des taux américains. Ce risque est d’autant plus grand à un moment où la dépendance du système international à l’égard du dollar n’a rarement été aussi élevée. Le principal élément qui pourrait conduire à une appréciation supplémentaire du billet vert est lié à d’éventuels changements dans le régime fiscal aux Etats-Unis et plus particulièrement en matière d’imposition des importations et des exportations. Ces changements, qui correspondent à une forme de protectionnisme, prévoient de supprimer la déductibilité fiscale des importations, alors que les revenus provenant des exportations seraient exonérés d’impôts aux Etats-Unis. Toutes autres choses étant égales par ailleurs, ils entraîneraient une réduction du déficit de la balance courante des Etats-Unis et ce faisant, réduirait l’apport de liquidités en dollars dans le reste du monde. 

En l’absence de tels changements dans le régime fiscal américain, la hausse du dollar touche à sa fin, du moins contre l’euro. Le consensus sur le dollar semble presque unanimement positif, la plupart des observateurs estimant qu’il n’est qu’une question de temps avant que la monnaie US n’atteigne la parité avec la monnaie unique. Leur optimisme repose en partie sur l’optimisme général entourant l’économie américaine depuis l’élection de Donald Trump et, de manière plus concrète, sur les politiques monétaires divergentes et le différentiel d’intérêt qui en résulte. Dans la mesure où ces éléments sont bien connus, on peut estimer qu’ils sont aujourd’hui intégrés dans les cours. Parmi les facteurs qui pourraient amener les investisseurs à changer d’avis figurent un éventuel ralentissement de la conjoncture aux Etats-Unis, le risque de désillusion avec la nouvelle administration américaine ou un changement dans les anticipations des opérateurs sur la politique monétaire de la Banque centrale européenne, changement qui pourrait par exemple venir d'une remontée cyclique de l’inflation.

L’or continue à avoir sa place dans un portefeuille diversifié au vu des nombreuses incertitudes économiques et politiques et de la fragilité du système financier. Les entreprises aurifères offrent un effet de levier important par rapport au prix de l’or.

Guy Wagner, Chief Investment Officer 

D’origine d’une famille d’entrepreneurs au Luxembourg et licencié en Sciences Économiques de l'Université Libre de Bruxelles, Guy a rejoint la Banque de Luxembourg en 1986, où il fut successivement responsable des départements Analyse Financière et Asset Management. Il devient ensuite Administrateur-Directeur de BLI - Banque de Luxembourg Investments, société de gestion nouvellement créée en 2005.

Depuis juillet 2022, il se consacre exclusivement à son rôle de Chief Investment Officer, à la gestion des portefeuilles et à la direction de l’équipe en charge de la gestion des différents fonds.

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