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Comme le dit un proverbe : « Pour savoir où l’on va, il faut déjà savoir où l’on est ». Où en sont donc les marchés financiers en ce début d’année 2018 ? Le moins que l’on puisse dire est que les bourses ont enregistré une excellente performance en 2017. Il est difficile de trouver un indice qui n’a pas au moins augmenté de 10 % en monnaie locale. Exprimée en euro, leur performance est moins spectaculaire à cause de l’appréciation de la monnaie unique. Peu d’observateurs avaient prédit une telle performance il y a un an. Avec le recul, l’environnement économique et financier s’est cependant avéré quasiment parfait pour les actions.

Tout d’abord, l’économie mondiale s’est accélérée et a atteint son rythme le plus élevé depuis la crise. Qui plus est, cette croissance est devenue plus synchronisée avec notamment une amélioration de l’activité dans la zone euro. Ensuite, l’accélération de la croissance n’a pas entraîné une remontée de l’inflation. Dans pratiquement tous les pays industrialisés, cette dernière est même restée en-dessous de l’objectif des banques centrales (mais est en même temps restée suffisamment élevée pour ne pas faire naître de nouvelles craintes déflationnistes). Enfin, et nonobstant le resserrement opéré par la Réserve fédérale aux Etats-Unis, les politiques monétaires des banques centrales sont restées accomodantes et les liquidités abondantes. Une inflation contenue et des taux d’intérêt à court terme très bas ont fait qu’il n’y a pas eu de remontée des taux obligataires, d’autant plus qu’un certain nombre de banques centrales ont poursuivi leurs programmes d’achats d’emprunts. En résumé donc, une accélération de la croissance économique avec révision à la hausse des estimations de bénéfices des entreprises mais sans remontée des taux d’intérêt. Les risques structurels liés à un endettement sans précédent n’ont certainement pas disparu. 2017 a toutefois à nouveau démontré que les investisseurs peuvent temporairement les oublier, respectivement que la façon dont ils ont tendance à les considérer dépend de leur humeur du jour et du comportement des marchés. Markets make opinions.

 

Multiples de valorisation élevés 

En 2017, les cours boursiers ont en règle générale à nouveau plus monté que les bénéfices des entreprises. Les multiples de valorisation, qui étaient déjà élevés il y a un an, ont donc encore augmenté. Ceci vaut surtout pour le marché américain. Quelque deux tiers de la hausse enregistrée par l’indice S&P 500 depuis février 2016 s’explique ainsi par la hausse des multiples de valorisation. Qui plus est, cette hausse des multiples a eu lieu dans un contexte de resserrement monétaire de la Réserve fédérale alors que par le passé, les multiples avaient plutôt tendance à diminuer lorsque la banque centrale américaine relevait ses taux.

 

Les multiples de valorisation des actions sont aujourd’hui parmi les plus élevés jamais enregistrés. L’histoire montre qu’il existe un lien étroit entre les multiples des actions et leur rendement futur. Les rendements auxquels un investisseur peut s’attendre à partir des niveaux actuels sont dès lors très faibles. Il convient toutefois de préciser que ce lien entre le prix payé (c’est-à-dire les multiples) et le rendement futur ne fonctionne que sur le long terme. Le fait que les actions soient aujourd’hui chères augmente certainement le risque de baisse en cas de retournement de tendance mais ne dit rien sur leur rendement en 2018. Un marché cher peut devenir encore plus cher.

 

S&P500 : multiples de valorisation et marchés baissiers

 

Source : CLSA

 

Facteurs à l'origine d'une hausse des cours boursiers

L’environnement favorable dont ont bénéficié les marchés financiers l’année dernière reste pour l’instant en place. La croissance économique ne montre à l’heure actuelle aucun signe de décélération, l’inflation reste sous contrôle et les politiques monétaires des banques centrales n’ont presque jamais été aussi transparentes. Il n’est dès lors pas étonnant que la hausse des marchés boursiers se poursuive en ce début d’année. Il faut toutefois se rappeler que pour que les cours boursiers continuent à monter, il faut que l’un des scénarios suivants se réalise :

  • les bénéfices des entreprises et les multiples payés pour ces bénéfices augmentent;
  • les bénéfices augmentent, les multiples baissent mais la hausse des bénéfices est supérieure à la baisse des multiples;
  • à l’inverse, les bénéfices baissent, les multiples augmentent et la hausse des multiples est supérieure à la baisse des bénéfices.

 

La hausse sera évidemment importante dans le premier de ces scénarios (qui est celui ayant caractérise 2017 mais également une grande partie de la période depuis la crise financière) et beaucoup plus modérée dans les 2 autres cas. Les marchés baissiers se caractérisent par les conditions inverses et les plus importants d’entre eux voient le jour lorsque bénéfices et multiples diminuent.

 

En ce qui concerne le premier de ces éléments, les bénéfices des entreprises, on peut simplement constater que d’une manière générale, ils profiteront en cas d’une poursuite de l’amélioration de la conjoncture mondiale, mais qu’une grande partie de cette amélioration est déjà escomptée dans les estimations actuelles. Si l’évolution des bourses ne faisait cependant que refléter celle des bénéfices des entreprises, les fluctuations de cours seraient beaucoup plus modérées. Le fait que ces fluctuations soient importantes s’explique par le deuxième des éléments cités précédemment, à savoir la variation des multiples de valorisation. Les grands marchés haussiers se caractérisent par une augmentation des multiples, les grands marchés baissiers par une diminution des multiples.

 

Quels sont dès lors les facteurs qui déterminent les multiples de valorisation des actions? En simplifiant quelque peu, on pourrait dire que parmi ces facteurs, il y en a un qui est tangible et un qui est intangible. Le facteur tangible est le niveau des taux d’intérêt. Le cours de bourse d’une entreprise est censé être une actualisation de ses bénéfices (cashflows, dividendes) futurs. Au plus le taux utilisé pour actualiser ces bénéfices est élevé, au plus leur valeur présente sera faible. A l’inverse, lorsque les taux d’intérêt sont bas, les investisseurs auront tendance à utiliser des taux d’actualisation moins élevés et la valeur présente des bénéfices augmentera, justifiant ainsi un cours de bourse plus élevé. Les taux d’intérêt jouent par ailleurs un autre rôle important dans la valorisation des actions par le fait que les placements à revenu fixe constituent une alternative naturelle aux actions. Si la rémunération offerte par les placements monétaires ou obligataires est attrayante, la tentation d’investir en bourse sera moindre.

 

L’élément intangible revêt davantage un aspect psychologique et concerne la façon dont les investisseurs évaluent les opportunités et les risques qui existent à tout moment. Ces investisseurs passent ainsi de périodes où leur aversion au risque est faible à des périodes où cette aversion devient prononcée et vice-versa, sans que l’on sache toujours exactement ce qui occasionne leur changement d’humeur.

 

L'environnement peut-il devenir encore plus favorable ?

Pour revenir à la situation actuelle, il importe de noter que pour que les multiples continuent d’augmenter, il faudrait qu’un environnement qui a été exceptionnellement favorable à l’extension des multiples, le devienne encore davantage. Les taux d’intérêt sont à des niveaux historiquement bas et il est difficile de les voir encore baisser davantage. Au contraire, les banques centrales ont soit déjà commencé un début de normalisation de leur politique monétaire (Etats-Unis, Canada), soit devraient tôt ou tard le faire. Les taux obligataires pourraient quant à eux avoir enregistré leur plus bas niveau au milieu de l’année 2016. Si rien ne laisse à l’heure actuelle prévoir une remontée des taux d’intérêt de nature à faire s’écrouler les multiples de valorisations des actions, force est de constater qu’en matière de taux, la situation ne peut guère devenir encore plus favorable. Quant à l’aversion au risque des investisseurs, elle est aujourd’hui exceptionnellement faible. Leur expérience des dernières années a été que même des événements a priori considérés comme dangereux pour les marchés tels que le Brexit ou l’élection de Donald Trump n’ont pas empêché une poursuite de la hausse des cours. Dans ce contexte, toute correction est perçue comme une opportunité d’achat. Il en résulte que ces corrections sont devenues de plus en plus rares.

 

Des taux d'intérêt réels toujours négatifs  

Source : BCA Research

 

On peut donc justifier les multiples actuels par la confluence d’éléments très favorables aux actions : accélération de la croissance, faible volatilité économique, inflation contenue, taux bas. A ces éléments vient encore s’ajouter une culture d’entreprise visant à maximiser la valeur pour l’actionnaire, culture qui fait par exemple que de nombreuses sociétés s’endettent pour racheter leurs titres ou augmenter leur dividende. Il serait cependant dangereux de penser que ces éléments resteront toujours présents, voire qu’ils deviendront encore plus favorables. Cette tendance existe et ce n’est pas pour rien que la dernière phase d’un marché haussier ou le début d’une bulle spéculative sont très bien décrites par l’acronyme EFEFE - Excellents Fondamentaux Extrapolés de Façon Enthousiaste.

 

Rachats d'actions et dividendes

Source : S&P Dow Jones Indices

 

Eléments plaidant contre une baisse des multiples 

Au risque de se voir reprocher de dire tout et son contraire, il faudrait toutefois ajouter que nous ne nous attendons pas non plus à une forte baisse des multiples de valorisation, du moins à court terme. Tout d’abord, comme indiqué ci-avant, les investisseurs ont été conditionnés à considérer toute correction des cours comme une opportunité d’achat. Il faudra du temps avant que cette mentalité ne change, d’autant plus dans un environnement où la gestion indicielle a de plus en plus remplacé la gestion active. Ensuite, les banques centrales ont trop investi dans la stimulation de la prise de risque que pour tolérer une baisse trop importante des cours des actifs financiers.   

 

Un facteur positif pour les marchés boursiers reste par ailleurs le fait que les alternatives manquent. Au vu des rendements offerts, les placements obligataires font dans l’ensemble très peu de sens pour un investisseur à long terme. Les rendements des emprunts d’Etat de qualité sont négatifs en termes réels (ajustés pour l’inflation), voire même en termes nominaux. Avec le temps, ils détruisent ainsi le pouvoir d’achat de l’investisseur. Quant aux rendements des emprunts de moindre qualité, la recherche désespérée de rendement dans un environnement de taux zéro les a réduits à un niveau qui n’est plus en rapport avec le risque encouru.

 

Restent les placements monétaires. Dans un contexte de surévaluation de la plupart des actifs financiers, il peut effectivement être tentant de maintenir une part importante de liquidités afin de pouvoir, le cas échéant, profiter d’une correction. Au vu de l’absence de rendement de ce type de placement (du moins pour un investisseur européen), ceci ne fait cependant du sens que si cette correction arrive rapidement et que l’investisseur sait la mettre à profit pour réinvestir au bon moment. Dans la pratique, peu d’investisseurs font preuve de la discipline requise pour attendre et bénéficier d’une correction.

 

En tant qu’investisseur, on ne peut tout simplement pas échapper à la réalité qui est qu’à travers leurs politiques monétaires, les banques centrales ont engendré une hausse des actifs financiers qui a largement dépassé ce qui aurait été justifié par la simple évolution des fondamentaux. Ce faisant, elles ont créé une situation où les rendements à moyen et long terme à attendre de ces actifs, actions et obligations, sont très faibles et où le risque de baisse, en cas de retournement de tendance, pourrait s’avérer très important. Là où pendant des années, les investisseurs ont bénéficié d’un vent de dos, ils pourraient à l’avenir avoir affaire à un vent de face.

 

En résumé, l’environnement économique et financier reste à l’heure actuelle encore favorable aux marchés boursiers mais les risques augmentent. La peur de rater une hausse supplémentaire se substitue de plus en plus au scepticisme dont ont longtemps fait preuve les investisseurs. Il faudra être vigilant pour essayer de détecter une détérioration éventuelle de l’un ou l’autre des piliers sur lesquels repose la hausse des cours. Parmi les risques figurent, outre les risques géopolitiques, un éventuel ralentissement de la croissance économique, une remontée plus forte que prévue de l’inflation, un changement plus rapide qu’anticipé dans les politiques monétaires des banques centrales ainsi que des tensions sur les taux obligataires.  Aucun de ces risques ne semble particulièrement menaçant à court terme, ce qui ne veut toutefois pas dire qu’il faudrait les prendre à la légère. On pourrait ainsi par exemple s’étonner du net aplatissement de la courbe des taux (diminution de l’écart entre les taux longs et courts) aux Etats-Unis et noter que par le passé, un tel aplatissement préfigurait généralement un ralentissement de la croissance (ralentissement qui ne serait d’ailleurs pas si étonnant pour une économie se trouvant dans sa neuvième année d’expansion). On pourrait aussi noter que de nombreuses entreprises américaines affirment qu’elles ont du mal à trouver du personnel, entraînant de possibles tensions sur les salaires. Dans la zone euro, on pourrait constater une divergence entre la dynamique dans les différents pays et s’interroger sur la marche à suivre qu’adopterait la Banque centrale européenne en cas d’une hausse plus marquée du taux d’inflation en Allemagne. La situation pour l’investisseur se résume en fin de compte à essayer de trouver un équilibre entre potentiel de hausse à court terme et risques à long terme.

 

Que faire dans ce contexte ?

Comment agir dans ce contexte?  3 options se présentent à l’investisseur :

  1. maintenir une part importante de liquidités en attendant une correction éventuelle. Pour que cette stratégie soit couronnée de succès sur le long terme, il ne suffira toutefois pas de se féliciter lorsque les marchés baissent. Il faudra dès à présent avoir un plan de bataille et faire preuve de la discipline nécessaire pour le mettre en pratique. Ceci implique ne pas céder à l’impatience si la correction tarde à venir ou si les cours boursiers continuent à monter et avoir le courage d’acheter si ces cours reculent de manière significative, sachant qu’à ce moment-là, les nouvelles risqueront d’être moins positives (Markets Make Opinions). Comme indiqué supra, peu d’investisseurs en semblent capables;
  2. investir de façon passive et revoir à la baisse de manière significative ses attentes sur les rendements à venir;
  3. investir de manière active en essayant de trouver des entreprises dont les perspectives de croissance sont meilleures ou dont la valorisation est plus attrayante. Ici aussi, il ne faudra cependant pas sous-estimer les risques. Outre le risque évident de se tromper dans ses choix, il y a surtout celui de voir ses choix faire moins bien que les indices pendant un certain temps. Pour un investisseur professionnel, ceci implique un risque de carrière assez important, surtout si cette sous-performance se prolonge.

 

Pistes de réflexion pour une gestion active

Pour l’investisseur désireux malgré tout de poursuivre une démarche active, plusieurs pistes de réflexion existent :

  • faire des choix en matière d’allocation par régions en observant le fait que les cycles de surperformance ou de sous-performance de certaines régions par rapport à d’autres s’étendent généralement sur plusieurs années. L’investisseur pourra ainsi noter que le marché américain vient de connaître une longue période de surperformance par rapport aux marchés asiatique et européen ou que les marchés émergents ont connu une performance nettement inférieure à celle des pays industrialisés entre 2011 et 2016 mais qu’ils ont réussi à inverser cette tendance l’année dernière;
  • constater qu’en matière d’allocation géographique, il peut y avoir de temps en temps des cas spéciaux. A l’heure actuelle, le marché japonais semble ainsi bénéficier d’un environnement marqué par la poursuite d’une reprise cyclique de l’activité économique et d’une augmentation structurelle de la rentabilité des entreprises;
  • faire fi des considérations régionales et se concentrer sur la sélection de valeurs individuelles. A l’heure actuelle, une telle sélection devrait plus que jamais faire la part belle aux entreprises de qualité disposant d’avantages compétitifs durables et d’une structure financière saine. Dans un contexte où les perspectives de rendement à long terme des actions semblent largement inférieures à la moyenne historique, il va par ailleurs sans dire qu’une importance accrue dans le rendement total reviendra à la composante ‘dividende’.

 

Chez BLI - Banque de Luxembourg Investments, nous privilégions la troisième approche.        

Guy Wagner, Chief Investment Officer 

D’origine d’une famille d’entrepreneurs au Luxembourg et licencié en Sciences Économiques de l'Université Libre de Bruxelles, Guy a rejoint la Banque de Luxembourg en 1986, où il fut successivement responsable des départements Analyse Financière et Asset Management. Il devient ensuite Administrateur-Directeur de BLI - Banque de Luxembourg Investments, société de gestion nouvellement créée en 2005.

Depuis juillet 2022, il se consacre exclusivement à son rôle de Chief Investment Officer, à la gestion des portefeuilles et à la direction de l’équipe en charge de la gestion des différents fonds.

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