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Tout le monde sait qu’obtenir des performances supérieures à la moyenne sur le marché actions n’est pas une tâche aisée. Chez BLI, nous sommes convaincus que, pour atteindre cet objectif, il faut adopter une méthodologie d’investissement stricte et l’appliquer de manière rigoureuse. Mais lorsqu'il s'agit de prendre des décisions au quotidien, les choses se compliquent. Un facteur est en particulier problématique : l'esprit humain, qui se trouve derrière toutes les décisions !

L'illusion de l'efficience des marchés et de la rationalité des investisseurs

Notre méthodologie d’investissement implique d’acquérir des sociétés dotées d’un avantage concurrentiel, à un prix attractif, et avec un horizon d’investissement à long terme, sur la base des opportunités offertes par le marché. Les marchés financiers ne sont pas efficients. Dans un monde où l’investissement passif et les opérations à court terme sont de plus en plus populaires, les distorsions grandissantes entre les fondamentaux des entreprises et leurs valorisations devraient être à l’origine d’une grande variété d’idées dans la sélection des titres.

 

« Le principal problème de l’investisseur, voire son pire ennemi, c’est sans doute lui-même. »
Benjamin Graham

 

Il est cependant difficile de mettre en œuvre une telle approche et de prendre les bonnes décisions en matière de sélection de titres et de vente. La psychologie humaine et les émotions entrent en effet en jeu et influencent considérablement le processus de prise de décision. La branche de la finance qui couvre ce sujet s’appelle la « finance comportementale ». Elle produit des théories basées sur la psychologie humaine pour expliquer les anomalies des marchés actions et analyse la manière dont les investisseurs sont guidés par leurs biais cognitifs.

Les psychologues Daniel Kahneman* et Amos Tversky ont introduit les premiers la notion de biais cognitif il y a près de 50 ans, dans une publication de recherche intitulée Judgement under Uncertainty: Heuristics and Biases (« Juger dans l’incertitude : heuristiques et biais »). Leurs recherches sont devenues le point de départ de nombreuses théories sur les processus décisionnels. Preuve s’il en est que, bien souvent, le comportement humain, comme les décisions quotidiennes, est loin d'être rationnel.

Les sept péchés capitaux de la gestion de fonds

J’ai eu ma première révélation sur le thème de l’investissement comportemental il y a plus de 10 ans, après avoir lu un recueil de notes publiées par James Montier*, alors stratégiste en actions mondiales chez Dresdner Kleinwort Wasserstein. En s’appuyant sur la théorie de la finance comportementale, James Montier a exploré les faiblesses comportementales les plus évidentes inhérentes au processus d'investissement. Il a identifié plusieurs erreurs courantes que de nombreux gérants de portefeuille sont enclins à commettre et a rassemblé ses conclusions dans un livre blanc intitulé Seven Sins of Fund Management (« Les sept péchés de la gestion de fonds ») :

  1. Prédire
  2. Détenir un maximum d’informations - être plus informé ne veut pas dire être mieux informé
  3. Rencontrer les entreprises
  4. Se croire plus avisé que les autres
  5. Avoir un horizon de court terme et négocier à outrance sur le marché
  6. Croire tout ce qu’on lit
  7. Prendre des décisions collectives

Les biais cognitifs affectent nos décisions

Afin de comprendre pourquoi le fait d'éviter ces « péchés » permet d’être un meilleur gérant, il nous faut nous pencher sur les principaux biais cognitifs qui les sous-tendent.

Les études scientifiques montrent que nous sommes particulièrement mauvais en termes d’anticipation. Alors, pourquoi y accordons-nous tant d’importance ? Premièrement, les gérants professionnels souffrent d’un excès de confiance, cette idée fausse qui leur fait croire qu’ils sont supérieurs aux autres. Deuxièmement, face à l’incertitude, ils aiment avoir un point de référence (biais d’ancrage), en l’occurrence des prévisions sur lesquelles ils peuvent s’appuyer, aussi justes ou fausses soient-elles. Le problème est que l’excès de confiance comme le biais d’ancrage procurent une illusion de contrôle, conduisent à des erreurs de jugement et rendent plus difficile de reconnaître ses propres fautes. Le risque, c’est de recourir trop souvent aux prévisions pour deviner ce que l'avenir nous réserve, plutôt que de réagir objectivement aux faits.

L'illusion de contrôle est renforcée par la tendance à accumuler autant d'informations que possible, qui provoque à son tour l’illusion de savoir. Les recherches montrent que la pertinence des décisions humaines n’augmente plus au-delà d’une certaine masse d’informations disponible. Au contraire, en recueillant de plus en plus d'informations, nous ne faisons qu’accroître notre niveau de confiance, ce qui nous confronte à nouveau au problème de l’excès de confiance. Lorsque nous cherchons des informations, nous devons également dépasser notre biais de confirmation, cette tendance à ne prendre en compte que les informations qui confirment nos opinons, tout en rejetant celles qui remettent en cause notre scénario d'investissement.

L’excès de confiance et le biais de confirmation expliquent aussi le caractère problématique des rencontres entre les gérants de fonds et les entreprises. Dans ce cadre-là, nous avons en effet l’impression, fausse, de bénéficier d'un avantage informationnel par rapport aux autres investisseurs. Nous devons également lutter contre notre envie de ne poser que des questions qui vont confirmer la vision que nous avons de l’entreprise. Nous devrions plutôt poser des questions difficiles, qui remettent en cause notre scénario de base. Mais, même si nous parvenons à poser les bonnes questions, il nous faut encore discerner la vérité du mensonge, une qualité que peu d’êtres humains possèdent.

L'abondance d'informations disponibles en ligne, sur Bloomberg, sur Reuters, à la télévision ou dans les journaux, est l'une des raisons pour lesquelles les horizons d'investissement se raccourcissent de plus en plus. Dans une vaine tentative de damer le pion à leurs pairs, les investisseurs accumulent le plus d'informations possible, aussi peu pertinentes soient-elles. Ils ont alors tendance à réagir à la moindre rumeur, au lieu de ne prendre en compte que les informations fondamentales. Agir à court terme sur le marché pose problème pour plusieurs raisons : cela n’a rien à voir avec l’investissement, il s’agit d’une pure spéculation, cela engendre des coûts et, ce qui est plus grave, c’est une pratique dans laquelle la plupart des investisseurs s’avèrent très mauvais. Ces derniers ont tendance à tomber dans le piège de l'un des principaux biais cognitifs, le biais de disponibilité, qui est lié à la tendance à vendre trop tôt des actions dont la valeur s’accroît, tout en conservant trop longtemps des actions dont la valeur a baissé, avec le risque de se retrouver au final avec un portefeuille de piètre qualité.

L’effet montagnes russes : les émotions et le marché actions

En ce qui concerne les décisions de groupe, les psychologues ont montré qu’il s’agit souvent des pires décisions que l’on puisse prendre. La raison principale est à chercher du côté de l’instinct grégaire. Les individus ont en effet tendance à se conformer au groupe plutôt qu'à contester l'opinion générale, car ils jouissent d'une crédibilité accrue auprès de leurs collègues lorsque leurs contributions sont en cohérence avec la vision du groupe. De ce fait, les réunions de groupe ont tendance à réduire la variété des opinions, tout en augmentant le niveau de confiance d’un individu envers les décisions du groupe, ce qui le fait à nouveau tomber dans le piège de l’excès de confiance.

La finance comportementale chez BLI

Il serait irréaliste de penser pouvoir éviter totalement et en toutes circonstances les sept péchés de Montier ; être conscient des biais cognitifs qui les sous-tendent peut cependant contribuer à améliorer les processus d’investissement et de prise de décisions. Depuis plusieurs années, BLI collabore avec Herman Brodie, spécialiste de l’économie comportementale et formateur auprès des décideurs du secteur de la finance. M. Brodie est le fondateur et le directeur de Prospecta Ltd., et l'auteur du blog Do we really think like that? (« Est-ce vraiment comme cela que nous pensons ? ») dans lequel il analyse les observations et les interactions quotidiennes sous l'angle de l'économie comportementale. Les formations et les présentations qu’il propose, associées à un suivi régulier des découvertes dans le domaine de la finance comportementale, nous ont aidés à restructurer et à renforcer notre approche de la gestion de fonds, sur la base des concepts de la finance comportementale.

Nous évitons les décisions de groupe pour ce qui concerne l’achat et la vente d’actions. Nous avons des responsabilités claires au sein de nos différents fonds d’investissement : pour chacun d’eux, un seul et même gérant est responsable des décisions de placement. Étant situés au Luxembourg, nous sommes à l’abri des rumeurs qui touchent les centres financiers mondiaux, ce qui nous permet de nous concentrer plus aisément sur notre approche d'investissement à long terme. Conscients des risques liés aux rencontres avec les entreprises, nous essayons d’éviter les erreurs les plus courantes qui s’y produisent. Lorsque nous rencontrons des sociétés (ce qui n’est pas une condition préalable au fait d’y investir), c’est principalement pour améliorer notre compréhension de leurs activités. Nous préférons davantage parler de leur actualité concrète et de leurs leviers opérationnels structurels plutôt que de prendre en compte leurs prévisions à court terme.

Ceci étant, le moyen le plus efficace pour éviter au maximum les biais cognitifs, c’est de s’appuyer sur un processus d’investissement rigoureux.

 

« Nous sommes obsédés par les résultats, sur lesquels nous n’avons aucun contrôle direct. En revanche, nous pouvons et nous devons contrôler notre processus d’investissement. »
James Montier

 

Chez BLI, nos décisions de placement reposent sur les principes d’une approche professionnelle de l’investissement. Nous investissons dans des entreprises de qualité et nous ne nous bornons pas à négocier des bouts de papier sur un marché. Nous accordons la plus grande importance à déterminer l’avantage concurrentiel d’une société ainsi que ses leviers structurels de croissance à long terme ; nous prêtons en revanche moins d’attention aux flux d’informations à court terme et aux chiffres trimestriels. Nous savons que, à court terme, nous pouvons avoir raison ou tort, pour de bonnes ou de mauvaises causes, mais que, à long terme, nous devrions avoir raison pour les bons motifs.

Nous ne nous fions pas uniquement à ce que l’on nous dit, nous nous intéressons aussi aux faits concrets. Nous vérifions que l’avantage concurrentiel prometteur de telle entreprise est confirmé par les chiffres. L’analyse de la rentabilité d’une société et de ses flux de trésorerie disponibles sont les mesures quantitatives au cœur de notre étude. Nous nous assurons que les directions d’entreprise, sur la base de leurs décisions antérieures, agissent conformément à leurs engagements et investissent de façon judicieuse. Nous demeurons circonspects face aux recommandations d’analystes situés côté vente et fondons nos décisions sur notre propre analyse et non sur des récits alléchants. Nous n’utilisons les recommandations des analystes côté vente que pour nous aider à mieux comprendre l’environnement de marché et les fondamentaux des entreprises.

En matière de valorisation, nous évitons autant que possible de nous appuyer sur des prévisions. Dans une première étape, notre modèle de valorisation, basé sur une approche mise au point par Bruce Greenwald*, professeur à l'Université de Columbia, analyse la valeur de la société en fonction de ses bénéfices et de ses flux de trésorerie disponibles actuels. En les comparant ensuite avec le cours de son action, nous pouvons estimer le niveau de croissance (risquée) déjà pris en compte par les actions. Ce n'est que dans un deuxième temps que le potentiel de croissance à long terme de l'entreprise est évalué et que sa valeur intrinsèque est calculée. Cette approche est relativement prudente et conduit à un point d'ancrage (dans ce cas, le calcul de la juste valeur) assez conservateur. Nous préférons utiliser ce point d'ancrage conservateur basé sur les fondamentaux des sociétés, plutôt que de nous appuyer sur des points d'ancrage plus arbitraires tels que l’historique du cours de l’action ou les multiples de valorisation relatifs. Et nous n'initions des positions que lorsque le cours actuel de l'action offre une décote par rapport à la juste valeur.

Notre processus analytique rigoureux nous permet d’être à la fois bien préparés et convaincus avant d’investir dans une entreprise donnée. Bien que cela signifie que nous devons attendre patiemment que le cours de l’action descende au niveau recherché, nous évitons ainsi d’avoir à prendre des décisions dans le feu de l'action.

Savoir contrôler ses émotions

Même si ce processus d’initiation de positions s’applique dûment à tous les fonds actions de BLI, l’approche individuelle de chaque gérant demeure prédominante en matière de pondération et de vente des avoirs en portefeuille.

Dans le cadre du fonds BL-Equities Japan, je m’oblige à établir une bonne diversification du portefeuille en fixant des limites strictes en termes de pondération pour les différents types de sociétés (actions de croissance par rapport aux actions de valeur, acteurs nationaux par rapport aux entreprises exportatrices). Lorsqu'il s'agit de déterminer la pondération des positions individuelles, j'ai développé un modèle quantitatif fondé sur plusieurs critères objectifs et subjectifs. Des éléments tels que la valorisation, la force de l’avantage concurrentiel, la liquidité, la volatilité et mon sentiment vis-à-vis de la société sont associés afin d’obtenir in fine des pondérations individuelles. Cette approche quantitative me protège d’une dépendance envers un seul point d'ancrage (ce qui réduit d’autant mon biais d'ancrage) et me permet de prendre des décisions aussi peu émotionnelles que possible. Elle m'empêche également de trop miser sur des avoirs spécifiques, même si la thèse d’investissement et les valorisations peuvent paraître tentantes.

Quand il s'agit de vendre des actions, les choses se compliquent... Une étude récente publiée en août 2018, intitulée Selling fast and buying slow: heuristics and trading performance of institutional investors (« Vendre avec rapidité et acheter avec lenteur : heuristique et performances opérationnelles des investisseurs institutionnels »), montre que, si les investisseurs professionnels s’avèrent effectivement compétents en matière d'achat d'actions, ils se révèlent très mauvais en matière de décisions de vente. Les investisseurs manquent souvent de discipline dans le domaine de la vente car ils n’utilisent pas le même processus rigoureux que celui mis en œuvre pour leurs décisions d’achat, ce qui les rend plus vulnérables aux biais comportementaux. Pour ma part, j'ajuste mon approche de vente en fonction des différents types de sociétés. Par exemple, pour certaines entreprises (en particulier celles qui ont de fortes perspectives de croissance), une valorisation élevée n’est jamais pour moi la principale raison de vendre. Cette posture permet d'éliminer le biais de vente d’actions prématurée. D'autre part, je dois accepter le fait que je ne peux pas avoir raison tout le temps et que les actions peuvent baisser. Quand je me rends compte que je me suis trompé pour des raisons fondamentales, je dois lutter contre mon parti pris d'aversion aux pertes et vendre tout de même les actions bien que je perde de l’argent, et ce idéalement avant qu'elles n’aient chuté au plus bas.

Être différent, être soi-même

Avant de confier leur argent à BLI, nous sommes conscients que nos clients eux-mêmes doivent surmonter certains biais. Selon une idée reçue, une société de gestion d’actifs qui se respecte doit être située dans l’un des grands centres financiers de la planète et gérer de très nombreux actifs. Elle inspire confiance en raison de sa taille, et ses vastes équipes d’investissement sont proches des entreprises dans lesquelles elles investissent. Grâce aux multiples stratégies qu’elle propose, elle a toujours des produits performants à promouvoir, qui lui permettent de renforcer son image de marque grâce à un effet de halo, un biais cognitif qui accroît la réputation globale d'une entreprise sur la base d’un seul produit exceptionnel. Placer son argent auprès d’un tel gestionnaire d'actifs colle également plutôt bien avec l’instinct grégaire, et les nouvelles qui arrivent régulièrement et en grand nombre sur cette société flattent le biais de confirmation.

« Être différent n’est pas une mauvaise chose. Cela signifie que l’on est assez courageux pour être soi-même. »
Luna Lovegood, Harry Potter et les reliques de la mort

Chez BLI, nous ne rentrons pas vraiment dans ce moule. Nous sommes toutefois convaincus qu'être différents et penser différemment ne nous empêche pas d'être des gérants de fonds compétents. Au contraire, notre petite structure, notre situation géographique, nos responsabilités claires et notre processus d’investissement rigoureux nous permettent d’obtenir de bonnes performances, en évitant le plus possible les nombreux biais cognitifs qui ont un impact négatif sur les décisions de gestion de portefeuille.

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* Daniel Kahneman, qui a reçu le prix Nobel d'économie en 2002, est aussi l'auteur du livre à succès Système 1 / Système 2 : les deux vitesses de la pensée qui traite de l'esprit humain et des processus décisionnels.
Le livre Misbehaving: The Making of Behavioral Economics (« Mal se conduire : la fabrique de l'économie comportementale »), écrit par Richard Thaler, est également très intéressant. Il s’agit du récit fascinant de l’histoire du développement de l’économie comportementale. Son auteur a travaillé en étroite collaboration avec Daniel Kahneman et Amos Tversky et a reçu le prix Nobel d'économie en 2015.
Pour ceux qui voudraient lire un livre plus accessible sur le sujet, je recommande The Little Book of Behavioural Investing: How not to be your own worst enemy (« Le petit livre de l'investissement comportemental : comment ne pas devenir son pire ennemi »), publié par James Montier.
Enfin, pour en savoir plus sur la méthode de valorisation mentionnée dans ce blog, on peut se référer au livre de Bruce Greenwald, Value Investing: From Graham to Buffett and Beyond (« L’investissement axé sur la valeur : de Graham à Buffett et au-delà »).

Steve Glod, Equity Fund Manager

Steve est arrivé en 2001 à la Banque dans le département d'Analyse Financière et de Gestion de Patrimoine. Depuis 2011, il est responsable de la gestion des investissements en actions japonaises pour les fonds de la Banque. Entre 2005 et 2010, il était co-responsable des investissements en actions américaines des fonds d'investissement de la Banque. Steve est Ingénieur en mécanique EPF, spécialisé en Sciences Commerciales. Il est également Docteur en Sciences Techniques de l'Ecole Polytechnique Fédérale de Zurich. En 2002, il a réussi les examens du CEFA (Certified EFFAS Financial Analyst).

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